NICOLE JEANINE - DZ3788

Immatriculation
DZ3788
Type de bateau
Date d'inscription DZ
1950
Date fin DZ
1974
Durée
Ce bateau a été inscrit à Douarnenez pendant 24 années.
Type de propulsion
Moteur
120 CV SULZER
Longueur
16.39 mètres
Tonnage
51.71 tonneaux
Lieu de Construction
Patron(s)
BRUSQ Jean, KERDREUX Pierre
Radio
TOMO
Notes

Coque bois, perches bleues, mâts métal noirs.
Maître bau : 6.04 m.
Tirant d'eau : 2.84 m.

Témoignage, par Michel MAGNAN père, d’un événement de mer survenu à bord du NICOLE et JEANINE

En février la campagne de maquereaux à bord du NICOLE JANINE se passa bien, puis vint la campagne de thon, toujours mousse, toujours cuistot, et le deuxième voyage, celui que je n’ai jamais pu sortir de mon esprit.
Le 23 août 1951, on se trouvait en pêche, dans la matinée le vent se mit à fraîchir, plus ça fraîchissait, plus le thon mordait. On avait mangé en 2 bordées, ça fraîchissait toujours.
A cette époque tous les postes émetteurs-récepteurs se trouvaient dans le poste arrière. Il était 13h15, le patron montait l’échelle pour dire de ramasser les lignes, pour mettre à la cape, lorsque "L’Aimé Chaffeteau», patron Constant Pendezec, l’appela pour dire qu’il venait juste de mettre à la cape, c’était devenu trop dur.
Alors qu’il parlait à Constant Pendezec, le matelot se trouvant à la barre vit une montagne d’eau venir sur nous. Nous étions trois sur l’arrière du bateau lorsque j’aperçu cette grosse vague blanche, je me cramponnai à un hauban, je ne sus jamais quand je lâchai prise, je passai par en dessous du gui de tape-cul, et par-dessus le bastingage, heureusement ma tête ne heurta rien. Arrivé dans l’eau, je vis un bout auprès de moi, c’était une ligne de l’arrière, je réussis à la saisir, et je fis deux ou trois tours autour de ma main, et me voilà en remorque du bateau.
Par moments je suis sous l’eau, d’autres moments je vois l’arrière du bateau. Je ne sais pas si à bord ils ont réagi, lorsque tout à coup la ligne qui était en coton casse ; heureusement car je crois que j’aurai été noyé à force d’aller sous l’eau. Le bateau va toujours de l’avant, je n’essaie pas de nager, juste de tenir à la surface, des fois en haut de la vague, des fois dans le creux. Je réussis tout de même à retirer mes bottes, c’est alors que je vois le bateau, qui pour moi est assez loin, virer de bord.
Je lutte, je pense à tout et à rien, il faut que je revoie Douarnenez, je pense à ma mère et à mon petit frère Pierre. Et voilà que le bateau vient vers moi, quand il est au sommet de la vague, et moi dans la creux, je trouve ça haut, c’est incroyable. Enfin le bateau se mit au vent à moi, je suis presque à sa portée lorsque tout à coup sous l’effet d’une grosse vague, je le vois venir sur moi, il va m’écraser et là, plus rien, je me sens aller vers le fond, puis tout à coup je me sens remonter, peut-être une poche d’air dans ma capote cirée ? Je suis passé sous le bateau et me revoilà de l’autre bord à la surface.
Des bouts qui servaient à laver le thon sont en pendant du bord, je réussis à en saisir un, je suis sauvé. Je suis balancé sur le pont et là j’apprends qu’il y a Jo Garrec et Henri Plouhinec qui sont encore dans l’eau. On arrive sur eux, j’essaie de donner un coup de main mais je suis KO, le coup d’être passé sous le bateau m’a vidé, j’ai une joue toute rougie par la peinture sous-marine et la main déchiquetée.
Jo Garrec qui a 20 ans est costaud, il a ses cuissardes qu’il n’a pas larguées, il sera sauvé.
Henri Plouhinec tend encore la main quand sa tête va sur le côté, on réussit avec une gaffe à l’attraper par ses cirés. Pendant 4 heures on le travaillera mais il ne reviendra pas à lui. Le Nicole JANINE arrivât à terre la veille du pardon de Sainte Anne, le Docteur Sauvanaud qui constata le décès, nous dit qu’Henri Plouhinec était un type sanguin, on lui aurait fait saigner l’oreille, ça aurait, peut-être, suffi à redémarrer le cœur.
Suite à ma blessure à la main j’eus un arrêt de trois semaines. Ma mère ne voulait plus que je retourne en mer, de mon côté j’étais indécis. Le 22 septembre je repartis faire un dernier voyage au thon.

Extrait du livre « Un Breton bien tranquille » de Henri Queffélec. Éditions Stock – Année 1978, transmis par Jacques Join :
...Sur la recommandation d’amis douarnenistes, un jeune patron qui en voulait, Jean Brusq, m’accepta comme passager non payant logé avec l’équipage. Son bateau s’appelait le Nicole et Jeannine, les prénoms de ses deux filles. Prière de me munir d’un couteau et d’un gobelet. J’étais installé dans le poste arrière, où je partageais une couchette pour deux avec le matelot Martial, un grand roux très calme. J’occupais la place de cloison, c’était merveille d’entendre la mer taper contre le bois avec des gestes humains, la grande mer qui s’occupait de la marche des petites unités comme de celle des paquebots ou des pétroliers géants... Je m’étais acclimaté tout de suite avec mes compagnons. J’ai soupçonné un novice de ne pas m’avoir à la bonne, son regard me signifiait parfois : Qu’est-ce que tu nous veux donc ? , mais les autres – nous étions dix-neuf sur un bateau de seize mètres – m’avaient tous donné leur sympathie amusée, bourrue, attendrie. Camaraderie, ma vieille irremplaçable !
Le Nicole et Jeannine roulait beaucoup. La mer, sans être à la tempête, était vive, écumeuse, cogneuse. Debout à l’arrière, je voyais de petits oiseaux sombres dont je venais d’apprendre le nom – les pétrels – et la fonction – annonceurs de mauvais temps – tracer des orbes fantasques à toute vitesse à ras des crêtes de vagues. On n’apercevait plus la côte. On avait débordé Ouessant. J’étais heureux. J’accomplissais exactement mon dessein...


Péri en mer :
Henri Plouhinec, le 23/08/1951.

Passé à MORGAT, acheté par Pierre Kerdreux.

Information reçue de Jean-Louis Jacquin :
R.P. Brottier et Nicole Jeanine DZ 3788 : en 1958, essai de chalut au bœuf entre ces deux bateaux. Essai supervisé et financé par Comité Central des Pêches Maritimes, l’Administrateur du Quartier de Dz, l’Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes.
Sous la plume d’Eugène Jacquin le 8 juin 1958 : ... Le plus grave problème à résoudre, dans ce genre de pêche, est la bonne entente des 2 équipes, et principalement des 2 patrons. La règle d’or demeure évidemment l’unité de commandement. Elle n’est pas facile à appliquer....

Registre d'armement tarnsmis par udierne Bateaux :